Saint Jacques de Compostelle, Espagne

Muchas bultos

Il est six heure du matin. Le bruit d’une respiration lourde façon « Dark Vador » nous réveille gentiment. Il ne s’agit pourtant pas de la respiration du côté obscur de la force, mais bien de celle d’un pèlerin, encore épuisé par l’étape d’y hier, qui vient d’enclencher son respirateur à oxygène. Il lui reste un peu plus de 60 kilomètres jusqu’à Saint Jacques de Compostelle, soit 3 jours de marche. Nous, nous y seront en début d’après-midi. Mais revenons quelques jours en arrière.

Avant tout, une précision s’impose. Nous ne sommes pas réellement des « Peregrinos ». En effet, une distinction est faite entre les marcheurs et les voyageurs à vélo. Ces derniers sont plus communément appelés les « Bicigrinos ». Nous sommes donc des « Bicigrinos » et avec nos moultes sacoches, le moins que l’on puisse dire c’est que nous avons attiré l’attention des pèlerins qui voyagent d’ordinaire qu’avec un simple sac à dos. Plus d’une fois les avons entendu nous adresser des « Muchas bultos !» nous obligeant à nous justifier par la durée et la destination de notre périple.

A nos débuts sur le « Camino » nous nous demandions quelles pouvaient être les raisons poussant ces pèlerins à entreprendre un tel périple. Historiquement, il existe essentiellement trois raisons ; offrir les souffrances du chemin en pénitence afin d’obtenir la rémission des ses péchés, espérer une guérison physique ou être un prisonnier condamné à effectuer le chemin enchaîné et pieds nus afin d’obtenir une remise de peine. Malheureusement nous n’avons à priori pas rencontré de pèlerin appartenant à ce dernier groupe. Aujourd’hui, une grande majorité de personnes effectue ce périple pour des raisons spirituelles. Cependant, la beauté du parcours ainsi que la richesse culturelle et historique que l’on y découvre suffisent à d’autres. Pour certains, il s’agit également d’un défi sportif, comme pour cette britannique qui parcours le chemin en courant à coups de 40-50 kilomètres par jours. Une vraie prouesse quand on apprendra qu’elle est partie de Saint Jean Pied de Port. Pour nous, c’est certainement le facteur humain que dégage ce chemin et les rencontres éphémères que l’on y fait jours après jours qui entrainent nos roues.

Nous profitons des auberges relativement bon marché à disposition des pèlerins pour passer nos nuits et y faire des rencontres. Chaque auberge est différente. Du simple dortoir bondé, à la chambre regroupant 4 à 6 personnes, on a parfois l’impression de se retrouver dans une cabane de montagne. Comme dans celles-ci, au vu des ronflements assourdissants qui y règnent, vaut mieux ne pas avoir oublié ses bouchons. Nous retiendrons cette église aménagée ou l’on peut observer les pierres et la charpente apparente une fois couché. Une nuit magique.

Nous avons choisis de passer une journée de repos à Léon dans un Airbnb façon « Auberge Espagnole » où chaque chambre de l’appartement est louée individuellement. Cette ville ne nous laissera pas un grand souvenir par son agitation et son peu d’infrastructures adaptées aux cyclistes.

Malgré tout, ce jour de repos nous aura permis de recharger les batteries. Et, au vue des étapes qui nous attendaient pour atteindre Santiago, ce fut nécessaire. Notre route nous a emmené en haut d’un col à plus de 1500 mètres où siège la « Cruz de Ferro». Lieu mythique du chemin, où il est de coutume d’y déposer une pierre provenant de chez soi. Suivra, la terrible ascension du O Cebreiro qui nous aura bien fait transpirer avec ses pentes à plus de 10% par moment, presque impossibles à gravir avec tout notre barda. Une arrivée en Galice et une vue magnifique nous récompensera, heureusement, à son sommet. Puis, nous découvrons Portomarin et son église aux pierres numérotées, déplacées unes à unes sur les hauts de la ville après la destruction et l’inondation de l’ancienne qui se trouvait en contrebas. Une chose est sûr, il nous aurait fallu beaucoup plus de temps pour découvrir toutes les histoires et légendes qui gravitent autour de ce chemin.

Nous ne savions pas à quoi allait ressembler l’arrivée Compostelle. Nous imaginons une ville saturée de touristes. Pourtant, peut-être à cause de la période de notre visite, nous avons découvert une ville calme et apaisante. Nous la parcourons en observant tous ces pèlerins, arrivés au bout et étendus sur la place devant la cathédrale. Nous, nous sommes finalement juste deux voyageurs de passage qui se sont imprégnés de cette atmosphère et qui vont ensuite partir pour d’autres aventures. Nous quittons Santiago remplis de souvenirs et portés par la volonté de tous ces gens qui, nous l’espérons, ont trouvé au fil de leur chemin ce qu’ils étaient venu y chercher. Hasta luego España, olá Portugal !

One thought on “Muchas bultos

  1. Raaah la vie !
    Sacrés mollets les gars, je pense que j’aurais abandonné le vélo au vu des pentes !vous êtes merveilleux ! Je vous aime !

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