Istanbul, Turquie

Afiyet olsun

Voilà, nous y sommes, Istanbul, le point le plus à l’Est de notre périple. Cette ville fut pendant longtemps la meilleure réponse que nous pouvions apporter aux gens qui nous demandaient notre destination. En effet, il est difficile d’expliquer notre voyage complet en quelques mots et c’est vrai que répondre « Istanbul » quand on se trouvait dans des villes opposées à l’Ouest comme Lisbonne ou Séville, ça en jetait pas mal. Cela nous paraissait fou de voyager jusqu’ici à vélo mais nous y sommes. Avant de revenir sur ces 2 jours passés dans « La Sublime Porte », revenons quelques semaines en arrière…

Nous vous avions laissé après nos premiers jours albanais marqués par des routes difficiles sur le plan physique. Après une journée pluvieuse couronnée par une soirée tempétueuse entrecoupée de coupures d’électricité, nous passons une magnifique journée d’hiver ensoleillée en rejoignant la frontière Grecque. Nos quelques jours en Albanie nous ont beaucoup plu et nous pensons sérieusement à y refaire un crochet lors de notre remontée vers le nord de l’Europe. Notre arrivée en Grèce rime avec notre premier changement d’alphabet. A partir de maintenant ce sera « am-stram-gram » sur les cartes des cafés, et ça nous amuse beaucoup. Nous décidons de suivre la côte lors de nos deux premiers jours. Celle-ci est vraiment déserte à cette période de l’année. On y roule facilement avec un vent favorable et une météo plutôt fraiche mais sèche, pour le moment. Du fait de notre passage hors saison, nous n’hésitons plus à garder notre tente au chaud et à profiter des tarifs attractifs des différents logements que nous trouvons sur notre route. Avec des nuits assez froides et la mobilité de Dan vraiment pas au top, c’est un moindre confort que l’on s’offre. Notre dernière journée avant notre jour de repos se déroulera sous des cordes d’eau. Septante kilomètres sur une route à fort trafic avec une visibilité de seulement quelques mètres, ce n’est vraiment pas génial de rouler dans ces conditions. En revanche, on apprécie toujours autant notre entrée sous le regard incrédule des clients en tenue de pluie et dégoulinants pour notre désormais traditionnelle pita grecque de midi,. S’ensuit un jour de repos dans le petit village de Menidi où nous en profitons pour remplacer, après plus 7000 kilomètres, nos patins de frein mis à rude épreuve dans les descentes albanaises et nous balader au bord du golfe Ambracique. Nous filons ensuite près d’Agrinio pour notre première expérience Couchsurfing, chez Giorgios. Il vit simplement dans une maison partiellement construite et bricolée par ses soins. Une soirée comme on les aime, au coin du feu à échanger autour d’un bon repas et d’un vin local. Nous reprenons la route direction Athènes par le nord du Péloponnèse. On est relativement surpris par les températures fraiches qui nous glacent et des forts vents d’Est qui ne nous facilitent pas la tâche jusqu’à Corinthe. Après la traversée du fameux canal, nous voilà aux portes de la célèbre cité antique. Nous coupons au travers de l’île de Salamina via deux bateaux afin d’éviter une partie des grosses routes menant à la ville. Les vingt derniers kilomètres nous permettant de rallier l’appartement de notre hôte Warmshowers seront épiques. On n’entre pas facilement dans une agglomération de plus de 6 millions d’habitants à vélo. Avec le recul nous ne le referions pas. Après avoir dû pousser nos vélos dans ce que l’on imagera comme deux « Petit-Chênes » pour les lecteurs lausannois, nous faisons la rencontre d’Adriani. Nous partageons un thé en sa compagnie et ensuite la voilà qui file chez sa tante pour la soirée en nous laissant les clés de son appartement. Nous ne la reverrons pas durant nos deux jours à Athènes car elle avait déjà des plans pour le week-end. Nous profitons de notre passage dans la belle capitale grecque pour visiter le célèbre Acropole, nous balader dans les rues de la ville et savourer la bonne cuisine grecque. Notre statut de cyclotouristes nous donne même la chance de profiter d’un repas gratuit dans un petit restaurant du centre-ville. Après avoir avalé deux pitas pour la route, nous embarquons pour l’île de Chios, passage obligé pour rejoindre la Turquie car il n’existe pas de liaison directe depuis la Grèce continentale. Nous faisons alors la connaissance de Timothé et Julie, deux cyclotouristes français qui voyagent avec leur chien en direction de la Mongolie. Nous discutons une partie du trajet avec eux et partageons un café très matinal à notre arrivée à Chios avant de rejoindre le logement que nous avons loué pour deux nuits. L’après-midi, nous décidons de partir explorer l’île à vélo et nous avons le plaisir de redécouvrir des paysages complètement sauvages qui nous rappellent un peu la Corse. Le lendemain, nous retrouvons Timothé et Julie pour un petit tour à vélo bien sympathique, puis le temps est venu de se dire au revoir puisque nous reprenons notre route pour la Turquie le lendemain alors qu’ils restent encore quelques jours à Chios. Lors de notre embarquement pour la ville de Çeşme, c’est toute une famille de cyclotouristes français que nous rencontrons. Les parents et leurs trois enfants qui font également un tour d’Europe sur une année, quel courage. Nous prenons plaisir à discuter avec eux le temps de la traversée avant de se séparer car nous allons, et c’est bien normal, plus vite qu’eux. Nous qui n’avions plus croisé de voyageurs depuis un bout de temps, voilà que nous croisons deux groupes en l’espace de quelques jours. C’est toujours de chouettes moments.

Après notre débarquement en Turquie, nous nous arrêtons quelques instants afin de retirer quelques Livres turques et voilà qu’un homme vient nous offrir une tasse de thé. Le ton est donné. Nous prenons alors la route en direction d’Izmir afin de rejoindre nos hôtes Warmshower. Dans ce qui nous semble être le milieu de nulle part, nous tombons sur un restaurant et ça tombe bien car nous avons faim. Nous faisons alors la connaissance de la cuisine turque et ça nous réjouis beaucoup pour la suite de notre périple. Izmir est une grosse agglomération de plus de 4 millions d’habitants ce qui rend l’entrée dans la ville longue et peu intéressante. Heureusement nos hôtes du jour habitent plutôt à l’entrée de la ville et après avoir escaladé les rues turques à la force des bras, nous faisons la connaissance d’Olcay et Seyma. Ce sont des personnes adorables qui nous accueillent comme des amis et avec qui nous passons une super soirée. Ils nous proposent de rester un peu plus longtemps en leur compagnie et c’est vraiment très dur pour nous de partir. Mais le soleil brille et le vent nous est favorable alors nous reprenons la route. Nous décidons au dernier moment de nous rendre à Foça même si cela constitue un détour car une famille nous attend le lendemain à Bergama. Cette ville nous a été conseillée par plusieurs personnes et à notre arrivée, nous sommes conquis. C’est une jolie petite ville au bord de l’eau avec un petit port. Il y a une station de bus à laquelle nous nous rendons afin de savoir si éventuellement il est possible de mettre les vélos dans un bus pour nous rapprocher un peu de notre destination du lendemain. Le vendeur de tickets nous répond qu’il n’y a pas de problème. C’est donc sereins que nous passons la soirée et que nous prenons le petit déjeuner le lendemain sans se presser. Seulement voilà, au moment de prendre le bus, impossible d’y monter avec les vélos. Nous essuyons un refus catégorique de la part du chauffeur et rebelote avec celui du bus suivant. Soit. Nous allons donc rouler. Nous ne sommes pas en avance et devons refaire en sens inverse une partie du trajet effectué hier. Nous sommes donc contraints d’abandonner la potentielle jolie petite route montagneuse que nous avions prévu d’emprunter et de suivre la route principale. Route ennuyante et ressemblant fortement aux autoroutes suisses sauf qu’il est possible d’y rouler en tracteur… ou à vélo. Heureusement, nous avons le vent de dos et nous rejoignons rapidement notre ville étape.

Il nous est difficile de vous raconter précisément la suite des événements de notre voyage. Les instants de partage que nous avons vécus sont uniques et compliqués à décrire. A Bergama, nous sommes logés dans la famille de Emine, une mère de famille passionnée de vélo et patronne du club de la ville. Nous communiquons avec elles et ses amis par l’intermédiaire de ses enfants, Ebra et Recep, avec qui il est possible d’échanger en anglais. Nous passons ainsi deux jours intenses en découvertes. Emine est une cuisinière exceptionnelle qui nous a régalés matin et soir avec une cuisine turque succulente. C’est aussi l’opportunité pour nous d’en apprendre plus sur les coutumes turques, l’Islam et la vie en Turquie en général. Ils sont également très curieux sur notre vie d’Européen et c’est sans tabou que nous échangeons sur tous les sujets. Ici, on est traité comme des rois et tout le club de vélo de la ville est à notre disposition pour que nous passions le meilleur séjour possible. Ainsi, nous passons une journée à visiter la belle ville de Bergama et son théâtre vertigineux en compagnie de Baslar et Metin, deux cyclistes du club. Pour nous, c’est juste hallucinant de recevoir un tel accueil et même si nous avions prévu de ne rester qu’une nuit, il nous est impossible de refuser une telle hospitalité. « C’est dans notre culture » qu’ils nous disent. C’est donc le coeur lourd que nous quittons Emine et sa famille, escorté jusqu’à notre prochaine étape par une partie du club de vélo de la ville. A mi-chemin, nous nous arrêtons prendre un thé. A notre plus grande surprise, deux membres du club de vélo de notre ville étape du jour viennent prendre le relais. C’est alors avec notre nouvelle escorte que nous nous rendons à Soma où nous retrouvons Bircan à l’hôpital dans lequel elle travaille. Elle travaille malheureusement de nuit mais tenait à nous voir avant de nous laisser les clés de son appartement pour la nuit. Au matin, nous l’attendons afin de la remercier. Elle insiste pour nous préparer un déjeuner de compétition alors qu’elle n’a pas dormi de la nuit et qu’elle doit se rendre voir sa mère malade à l’autre bout du pays dans l’après midi. Nous filons ensuite pour Savastepe où nous avons rendez-vous avec Ceylan et sa famille. C’est une journée difficile, le temps est maussade et Dan a de fortes douleurs dans les hanches et le bas du dos. En plus, nous finissons complètement embourbé dans une espèce de sable boueux et devons passer une heure à laver les vélos avant de pouvoir continuer d’avancer. Nous arrivons finalement à destination et rencontrons Ceylan et sa famille qui viennent nous chercher en voiture. Ils ont prévus tout un programme pour nous. Ni une ni deux, nos vélos sont sur le toit et nous filons dans le village où vit la famille de Ramazan, le mari de Ceylan. Nous passons une soirée magique dans une maison traditionnelle turque à cuisiner un poulet comme vous n’en avez jamais cuisiné. Le lendemain après avoir déposé les enfants dans leur appartement en compagnie de la nounou, nous partons en compagnie de Ceylan et Ramazan pour un hammam naturel au milieu de nulle part. Personne ne sait d’où vient la source d’eau chaude et l’histoire raconte qu’elle est devenue froide lorsque l’homme a essayé de monnayer le lieu. Une magnifique journée que nous terminons chez des amis de Ramazan autour des traditionnels thés et cafés turcs. Nous avions prévu de partir le lendemain mais à nouveau, impossible pour nous de quitter ces gens attachants qui ont envie de tout nous faire découvrir. Nous allons faire un tour au joli marché dédié aux femmes de Balikesir avec Ceylan. Puis Ramazan emmène Dan chez le coiffeur. Nous pensions pouvoir partir en début d’après-midi afin de faire la moitié du chemin pour Bandirma mais il n’en est finalement rien. Nous décidons alors de prendre le train pour Bandirma, comme nous l’avait suggéré Ceylan mais après quelques recherches nous apprenons qu’il n’est pas possible d’y mettre les vélos. Au final, c’est Ceylan et Ramazan nous amènent en voiture à Bandirma, les vélos toujours sur le toit, car c’est impensable pour eux de nous laisser partir à vélo en fin de journée. Après une bonne nuit de repos dans un hôtel nous passons la journée dans un café turc à boire du thé et jouer au backgammon, jeu très populaire ici, avant de prendre le bateau pour Istanbul.

Cette fois-ci on ne se fait pas avoir. L’agglomération d’Istanbul étant peuplée de plus de 15 millions d’habitants, c’est hors de question d’y entrer à vélo et c’est donc en bateau que nous pénétrons dans la ville. Deux jours à déambuler dans la ville entre la basilique de Sainte-Sophie, la mosquée Bleue, le Bosphore et les bazars. On nous avait promis une ville bondée et stressante, on y a finalement passé de super moments et on en a pris plein les yeux et les papilles. Les jours que nous venons de vivre étaient bien loin du planning que les deux Suisses organisés que nous sommes avions prévus mais cela nous a fait du bien de se laisser vivre et de saisir les opportunités comme elles se présentent. On nous avait prévenu que l’hospitalité turque c’était quelque chose mais on ne pensait pas être reçu dans de telles conditions. De la spontanéité. Voilà ce qu’on va probablement ajouter dans nos vies, car on arrivera jamais à égaler l’accueil et l’hospitalité turque.

PS: Cette fois-ci on traduit : « Afiyet olsun » c’est « Bon appétit » et ça, on l’a beaucoup dit.

One thought on “Afiyet olsun

  1. Toujours autant d enthousiasme, continuez bien , encore de belles rencontres et de belle choses à voir. Véronique et Christian ws de la seyne sur mer

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