Après avoir atteint Istanbul, le point le plus à l’Est de notre périple, il est temps pour nous de mettre le cap en direction de celui qui se trouve le plus au Nord, la Norvège. Mais avant cet objectif plutôt lointain, nous en avons un autre bien plus proche. Retrouver Jet, un ami de longue date, au Kosovo et passer quelques jours en sa compagnie dans son appartement familial.
Pour ce faire, il nous faut avant tout quitter Istanbul et ses 15 millions d’habitants. Après notre galère à l’entrée d’Athènes, nous pensions avoir retenu la leçon et fait tout juste. Nous empruntons le métro jusqu’à sa station la plus éloignée en pensant que ce serait suffisant et que le gros de l’agglomération serait ainsi derrière nous. Hé bien pas du tout. Nous nous retrouvons en plein trafic sous des trombes d’eau. Estimant qu’il n’est pas nécessaire de continuer à nous infliger ça, nous trouvons refuge dans le premier café venu. Nous contactons alors un hôte Warmshower n’habitant pas trop loin que nous avions repéré la veille. C’est ainsi que nous faisons la connaissance d’Akin, un pilote de Turkish Airlines qui nous accueille chez lui et, hospitalité turque oblige, nous invite à manger. Nous passons une agréable soirée en sa compagnie et malgré sa proposition alléchante de rester quelques jours le temps que la météo s’améliore, nous reprenons la route le lendemain alors que de son côté il s’envole pour Casablanca.
Depuis notre départ d’Istanbul, Dan ressent de fortes douleurs au niveau de ses articulations sacro-iliaques. Cette fameuse spondylartrite ankylosante, jusqu’alors relativement sage décide de se manifester. Généralement, après une mise en route matinale pénible, elle lui permet de rouler sans trop de gêne jusqu’en début d’après-midi. Les fins de journée sont cependant bien plus délicates pour finalement parfois l’empêcher de marcher en soirée. C’est donc non sans peine que nous rejoignons, au travers des petites routes de campagne turques, la ville de Çerkezköy, puis celle de Lüleburgaz. Au vu de la situation physique de Dan, il nous est impossible de camper. Nous privilégions donc des logements bon marché. A Lüleburgaz alors que nous nous mettons à la recherche d’un lieu pour la nuit, un jeune homme nous accoste et nous demande si nous avons besoin de quelque chose. Ni une, ni deux, le voilà qui nous emmène au club de vélo de la ville. Celui-ci dispose de locaux où nous pouvons séjourner le temps qui nous convient. Un lieu bienvenu pour les voyageurs que nous sommes et dans lequel nous avons la possibilité de rencontrer et d’échanger avec plusieurs membres du club. Le jour suivant, la pluie battante nous décide à prolonger notre séjour. Cela permet aussi à Dan de souffler un peu au vu des douleurs qui l’accompagnent. Le jour suivant, la météo s’étant adoucie, nous reprenons la route en direction d’Edirne et de la Bulgarie après une nuit particulièrement pénible pour Dan qui s’est vu contraint de prendre de solides antidouleurs pour fermer l’oeil quelques heures. Nous ne savons pas comment nous avons réussi à avaler 80 kilomètres ce jour-là avec un Dan complètement dans les vapes, somnolent et sujet à de fortes nausées, effets secondaires des médicaments de la nuit précédente. Une fois dans notre chambre à Edirne, l’état de Dan se dégrade sérieusement. Il n’est plus capable de se déplacer et peut tout juste se tourner dans le lit. Après une nouvelle bonne dose d’antidouleurs, on décide de laisser passer la nuit. Au matin, Dan a récupéré un peu de mobilité et ses douleurs se sont légèrement atténuées. Toutefois, l’heure n’est à présent plus à la découverte de la Bulgarie mais plutôt à la recherche de son médicament afin d’espérer avoir la chance de poursuivre cette aventure. Nous décidons donc de retourner en Grèce où nous savons que le traitement devrait être disponible. Nous roulons jusqu’à Orestiada où, par chance, un train pour Alexandroupoli où nous avions repéré un hôpital, passe presque au même instant et nous permet de gagner un jour de voyage. On se rend immédiatement à l’hôpital. Malheureusement, il est vendredi après-midi et le service de rhumatologie est déjà fermé. Il est alors impossible de se procurer le médicament avant lundi, malgré le fait qu’ils aient probablement le médicament en stock. On décide alors de rouler jusqu’à Kavala, où l’on devrait trouver un autre hôpital. L’état de Dan s’améliore quelque peu et nous passons deux magnifiques journées sur la route en empruntant notamment le chemin des pirates à l’entrée du parc national de Nestos. Nous profitons même d’une nuit de camping à l’arrière d’une boutique dans un petit village, une première depuis plus d’un mois. Le lundi matin après avoir constaté que plusieurs commerces sont fermés, nous comprenons qu’il s’agit d’un jour férié. Pour l’hôpital, on repassera. Deux solutions s’offrent à nous à ce moment. Rester sur place et essayer de se procurer ce médicament tout en ne sachant pas si cela sera possible, ni combien de temps cela prendra ou essayer de s’arranger pour que Jet nous l’amène depuis la Suisse lorsque nous lui rendrons visite au Kosovo. L’état de Dan s’étant légèrement amélioré, nous décidons de tenter la route jusqu’au Kosovo en espérant que le gros de la crise soit passée. C’est ainsi que nous reprenons la route en direction de la Macédoine.
Notre entrée en Macédoine se fera sans encombre après une journée à rallonge d’un peu plus de 100 kilomètres. Nous découvrons un joli pays vallonné. Généralement nous avons le choix entre l’autoroute, où les vélos sont plus ou moins tolérés, ou une route alternative qui peut parfois se transformer en chemin non goudronné. C’est cette dernière que nous choisissons et c’est ainsi que nous faisons une rencontre un peu irréelle avec la police Tchèque en plein milieu d’une forêt. Nous faisons un brin de causette avec eux avant de repartir. Nous apprendrons plus tard qu’ils sont là pour arrêter les migrants qui se font passer pour des cyclistes et qui empruntent cette route. Bonne ambiance. A Skopje nous prenons un jour de repos afin de visiter un peu la ville avant de se diriger vers le Kosovo. Notre visite est quelque peu écourtée pour cause de chutes de neige et c’est au bowling que nous finissons l’après-midi.
Le lendemain c’est sous une jolie couche de neige que nous nous réveillons. Il neige toujours et nous savons que nous allons devoir prendre un peu d’altitude pour rejoindre le Kosovo. Nous sommes un peu inquiets quant à l’état des routes et nous hésitons un moment avant de finalement nous décider à nous lancer. Nous savons que la météo ne risque pas de s’améliorer les jours à venir avec cette vague de froid qui sévit dans toute l’Europe. Si nous voulons avoir une chance de voir Jet avant qu’il ne retourne en Suisse, nous devons y aller. Plus nous nous approchons de la frontière, plus la situation se dégrade. Nous ne pouvons plus changer de vitesse car nos câbles ont gelé et il y a de plus en plus de neige sur la route. A la frontière, les douaniers nous prennent pour des fous et nous demandent ce qu’on fait ici et pourquoi on n’est pas bien au chaud dans un hôtel. Après quelques mètres au Kosovo, il y a tellement de glace entre la roue et la pare-boue de la roue avant de Van que celle-ci ne tourne même plus. Nous décidons de jeter l’éponge avant de se mettre vraiment en danger et par chance trouvons une station-service avec un hôtel. Le lendemain Jet vient à notre secours et nous emmène jusqu’à Mitrovica dans la voiture de son cousin. Nous passons trois jours en sa compagnie à partager des histoires, mélange de notre voyage et de sa vie en Suisse. Nous sommes heureux et émus d’avoir eu la chance de le retrouver durant notre périple, qui plus est dans son pays. C’est le coeur un peu plus léger et avec un Dan reboosté par son médicament que nous reprenons notre chemin avec pour prochain objectif Kotor et sa fameuse baie.
C’est non sans peine que nous parvenons à sortir du Kosovo entre la pluie battante, les routes complètement détrempées et inondées et un vent de face à décorner un boeuf. Et ce n’est malheureusement pas la traversée des Alpes albanaises qui nous facilitera la tâche. Finalement après deux jours dans les montagnes, un taxi s’arrête sur le bord de la route. Au vu de notre moyen de transport et de la météo peu engageante, il devine probablement l’inquiétude qui nous habite. Nous n’hésitons qu’un instant avant d’accepter d’embarquer pour se rapprocher de la côte. Dès la sortie du taxi, la différence de température est flagrante. Nous passons deux jours à Shkoder afin d’attendre que la pluie se clame avant de reprendre notre chemin en direction de la côte Monténégrine. Clairement, le climat n’a plus rien à voir avec celui des jours précédents et nous profitons même d’une nuit de camping. Le bonheur ! Depuis que nous avions commencé à préparer notre voyage, un de nos objectifs principal était de rouler la fameuse serpentine de Kotor. Nous quittons donc la côte pour rejoindre l’ancienne capitale du Monténégro Cetinje, jolie petite ville au milieu des montagnes, et aborder la serpentine depuis son sommet. Le panorama dépasse largement toutes nos espérances et c’est dans ce genre d’instant que notre voyage prend tout son sens. C’est encore les yeux tout émerveillés par les 26 lacets surplombant la baie que nous continuons notre en route en direction de la Croatie et de Dubrovnik. On espère que le froid est à présent derrière nous. Aujourd’hui notre route était bordée de crocus, l’odeur du printemps n’a jamais été si proche.
Eh bien…!! Ce voyage semble être parfois bien éprouvant!! Heureusement que vous avez la chance de voir des choses magnifiques et faites de belles rencontres! On pense très fort à vous et sommes bien contents pour vous que le printemps arrive doucement! Gros gros bisous à vous deux ?????