Lappajärvi, Finlande

Addictions nordiques

La deuxième partie de ce mois de mai rime pour nous avec retrouvailles. C’est tout d’abord Jo, un ami de longue date, qui nous rejoint à Jelgava pour rouler deux jours en notre compagnie et profiter de la capitale lettonne. Puis ce sera au tour d’Alicia, la soeur de Van, de nous rejoindre à Tallinn pour passer trois jours avec nous avant que nous embarquions pour la Finlande.

Après une nuit de camping sauvage dans un magnifique spot aux environs de Jelgava, nous nous rendons à la gare où nous attendons Jo, fraîchement arrivé la nuit précédente à Riga. Après organisation et installation de son package, nous prenons la route tous les trois en direction d’une des rares « montagnes » lettonnes. Suite à une « ascension » périlleuse au milieu des gravas, nous découvrons que notre destination est en fait une station de ski. Pour les habitués des Alpes que nous sommes, il faut vite le dire. Deux pistes dont on voit le départ depuis l’arrivée composent en réalité la station. Le lendemain, nous reprenons la route en direction de la mer Baltique. Au milieu d’une forêt sur une route déserte, nous décidons de faire un plan de nous trois avec le drone. Suite à un pilotage approximatif de Dan, le drone fini par heurter un arbre et pique du nez. Malheureusement, Dan était trop loin de l’impact pour savoir où il a eu lieu exactement. Van et Jo ne l’on pas entendu dans leur dos. Nous établissons alors un périmètre de recherche et retournons toute la forêt deux heures durant. Pendant que Dan secoue les arbres en désespoir de cause, Van réussi à récupérer les coordonnées GPS du dernier vol et Jo finit par mettre la main sur le drone à quelques mètres du périmètre de recherche. Nous reprenons enfin la route affamés et pas vraiment en avance sur l’heure de rendez-vous fixée pour récupérer les clés du logement que nous avons loué à Riga. Nous nous arrêtons dans le premier restaurant que nous trouvons en bordure de route. Avec le recul, la bière et les frittes étaient peut-être de trop au regard de l’entraînement relatif de notre invité. C’est finalement via une belle piste cyclable que nous entrons dans Riga et rejoignons notre appartement à deux pas du centre. Nous passons alors un superbe week-end dans la capitale lettone à errer entre monuments historiques, tavernes et restaurants. Que c’était bon de retrouver un ami proche dans un endroit aussi peu commun et de festoyer en sa compagnie.

C’est avec l’enthousiasme de retrouver Alicia dans 3 jours et de découvrir l’Estonie, notre 24ème pays, que nous laissons Riga et Jo. Nous devons alors jongler entre une route relativement dangereuse, car très fréquentée et pas très large, et de petites routes remplies de cailloux, usantes pour le matériel et le moral. Nous trouvons un peu effrayant que l’itinéraire d’un des Eurovélo destiné aux familles passe parfois sur cette première route. Le soir venu, nous dormons pour trois fois rien dans un camping immense au bord de la mer baltique où, une fois n’est pas coutume, nous sommes certainement les seuls visiteurs. Après un essai de baignade vite avorté à cause de la température de l’eau, nous assistons à un magnifique couché de soleil quelque peu gâché par les attaques de moustiques de plus en plus virulentes au fils de notre ascension de l’Europe. Les deux jours de route suivants en Estonie pour rejoindre Tallinn sont relativement agréables. Nous trouvons de meilleures possibilités de route en nous excentrant un peu plus sur l’intérieur du pays. Nous regrettons cependant d’avoir dû faire l’impasse sur les îles estoniennes à l’ouest du pays. C’est toutefois le prix à payer pour retrouver Alicia dans les temps.

Avant de partir à l’aventure nous avions hébergé dans notre appartement de Renens un cyclotourisme mi-ukrainien, mi-letton, habitant entre Kiev et Tallinn. Il nous avait gentiment invité à le contacter si nous passions près de chez lui. C’est ainsi que nous nous retrouvons logés chez la femme de celui-ci à Tallinn. Tuuli nous prête généreusement son appartement pour les trois nuits de notre séjour en compagnie d’Alicia. Après une soirée passée à rattraper le temps autour d’un bon repas et de quelques bières, nous passons la journée suivante à visiter Tallinn, sa vieille ville et son quartier hipster. Dans ce dernier, Dan se sent comme un poisson dans l’eau au milieu des barbus en tout genre. Après avoir sillonné la ville dans tous les sens, nous sommes fatigués et nous nous promettons que le lendemain nous marcherons moins. On se retrouve ainsi à aller faire un tour au zoo qui ne se trouve pas si loin de l’appartement. Mal nous en a pris. Le zoo de Tallinn est très sympathique avec ses ours polaires, ses éléphants et le tutti quanti, mais il est immense. Sans l’avoir visité dans ses moindres recoins nous avons passé des heures à y marcher. Pour les bonnes résolutions, nous repasserons. Nous nous rendons à nouveau dans la vieille ville afin d’y voir les 2-3 points d’intérêts qui nous avaient échappé le jour d’avant et surtout, de profiter de quelques bières sur une terrasse du centre. Le lendemain, après un pic-nique dans un parc, il est déjà temps de se dire au revoir. Ça nous a fait bien plaisir de partager ces quelques jours en famille. Pendant qu’Alicia reprend le chemin de l’aéroport, nous nous dirigeons vers le port afin d’embarquer à destination d’Helsinki.

Nous étions prévenus. La traversée de l’Estonie vers la Finlande est réputée pour être le théâtre de tous les apéros. Le prix de l’alcool étant bien plus faible en Estonie qu’en Finlande, les Finlandais n’hésitent pas à faire le trajet pour ramener quelques provisions, tout en consommant une partie à bord. Tout un genre. A notre arrivée à Helsinki, nous nous rendons immédiatement chez Siiri et Lukas nos hôtes du jour. Après une délicieuse soupe, nous partons admirer le « couché » de soleil sur une presque île du centre. Couché entre guillemets, car cela fait maintenant un bon moment que même si le soleil fait mine de se cacher quelques heures, il ne fait jamais vraiment nuit. Pour notre première soirée en Finlande, nous n’aurions pas pu avoir de meilleures hôtes, nous laissant entrevoir la magnifique aventure nordique qui nous tend les bras. Depuis notre rencontre avec Alexander à Dresden, le fan de Scandinavie, une idée un peu folle nous trotte dans la tête : celle de monter bien plus au Nord que ce que nous l’avions prévu et de rejoindre les îles Lofoten. Nous sommes arrivé à Helsinki avec une dizaine de jours d’avance sur notre planning et maintenant que nos muscles sont bien formés, nous avançons légèrement plus rapidement que prévu. Ce projet devient complètement réalisable. C’est donc décidé, nous irons aux Lofoten !

En Finlande et en Scandinavie, il existe une loi appelée « le droit de tout un chacun ». L’idée fondamentale est que chaque personne est libre de profiter de la nature. Que se soit pour se balader en forêt, nager dans les nombreux lacs ou cueillir des baies et champignons. Par cette même loi, le camping sauvage est autorisé sur tout le territoire. Ces pays sont donc des petits paradis pour les voyageurs que nous sommes et nous avons hâte d’en profiter. Notre première journée de route suivant notre départ d’Helsinki se termine aux abords d’une forêt, non loin de la route. Pour la deuxième nuit, nous prenons peu à peu nos marques et trouvons un magnifique spot tout au bord d’un lac. Nous profitons de cette proximité pour une baignade vivifiante et pour faire un brin de toilette. Puis, nous nous rendons chez Matti qui nous accueille avec sa femme et sa fille dans leur appartement de Tampere. Après avoir partagé un repas en leur compagnie nous partons nous balader dans la ville. Nos pas nous mènent le long d’une rivière bordée d’un parc où plusieurs groupes boivent quelques bières au soleil. Nous décidons de faire pareil et en profitons pour observer ce qui se passe autour de nous. En Finlande, les canettes en aluminium ainsi que les bouteilles en PET sont consignées. Nous sommes donc bien surpris en voyant un grand nombre de personnes partir en abandonnant leurs cadavres de bières derrière eux sans même prendre la peine de les ramener dans une des nombreuses poubelles à disposition. Après observation, ils les laissent derrière eux car ils savent qu’ils vont être ramassés et recyclés par les mendiants et sans-abris. Ceux-ci arpentent la ville à la recherche de ces déchets afin de récupérer leur précieuse consigne. Il est vrai que ces canettes sont bien plus accessibles au sol qu’au fonds d’une poubelle. Nous trouvons ce système plutôt ingénieux, car même si cela ne rend pas forcément les gens plus respectueux, les villes sont en partie propres tout en offrant un moyen simple pour les mendiants et sans-abris de récupérer quelques couronnes. Après notre balade, nous retrouvons nos hôtes et en profitons pour en apprendre plus sur la Finlande et sa culture et glaner quelques précieux conseils cyclables auprès de Matti, qui travaille pour la fédération de cyclisme finlandaise. Le lendemain, c’est accompagné sur quelques kilomètres par Matti et sa fille, bien installée à l’avant du vélo cargo, que nous reprenons la route, impatients de traverser une petite partie de la fameuse région des lacs finlandaise.

Les paysages somptueux qui s’offrent à nos yeux n’empêcheront pas une sérieuse engueulade à l’heure du repas. S’ensuit Van qui s’en va toute seule, sans eau et sans téléphone en pensant que Dan la suivra. Il n’a cependant pas vu dans quelle direction elle était partie et n’emprunte pas la même route. Après une vingtaine de kilomètres désagréables pour chacun, nous nous rejoignons finalement près d’un pont que nous savions tous deux sur notre chemin. Pour l’intelligence, on repassera. Après des retrouvailles mitigées, c’est ensemble que nous reprenons la route en quête d’un endroit pour camper. Si possible un bel endroit près d’un lac, histoire de rattraper un peu l’échec de la journée. Même s’il est permis de camper n’importe où, les meilleurs coins sont bien souvent occupés par des cottages ou des saunas. Ils sont pas bêtes ces finlandais. Après des heures de recherches infructueuses, nous finissons par poser notre la tente dans une forêt. Commence alors la pire attaque de moustiques de notre vie. Ils sont des centaines à nous tourner autour, se posant sur le moindre centimètre carré de peau que l’on n’a pas su couvrir. Nous montons le camp en un clin d’oeil, balançons toutes nos affaires à l’intérieur de la tente et nous dépêchons de nous y abriter. On nous a souvent parlé des moustiques en Finlande, aujourd’hui nous pouvons vous le confirmer. Ce n’est pas un mythe. Personne n’a le courage de sortir préparer le repas. Du coup, ce sera deux pommes et un sachet d’Ovomaltine en guise de souper. Pas génial après une journée de plus de 100 kilomètres.

Après une nuit passée au son des bourdonnements incessants, le camp est démonté aussi rapidement qu’il avait été monté. Après avoir fui sur quelques kilomètres, nous nous arrêtons à l’abri de ces vampires miniatures pour chercher où se trouve le magasin le plus proche pour satisfaire nos estomacs bien vides. Mauvaise surprise. Comme nous avons roulé plus que prévu le jour précédent, le magasin le plus proche se trouve maintenant au même endroit de notre objectif du jour. Nous avons bien entendu une petite réserve de nourriture pour les cas comme celui-ci, mais nos réserves d’eau sont au plus bas. Heureusement, nous nous trouvons dans la région des lacs et ils sont suffisamment propres pour que nous puissions en boire l’eau. Nous arrivons finalement chez Panu qui vit dans une immense maison un peu perdue dans les bois. Panu n’est pas chez lui le jour de notre arrivée, mais il nous a indiqué où trouver le double des clés. Nous avons l’impression d’entrer dans la caverne d’Ali Baba. Nous pensons que tout ce qui est possible d’avoir, Panu l’a. Pour le plus grand bonheur de Dan, il a également un beamer sur lequel il est possible de regarder la finale de la Ligue des Champions. On ne se refait pas. Le lendemain, nous profitons d’un jour de repos dans cette grande maison et faisons la rencontre de notre hôte en fin de journée.

Après une sympathique soirée en sa compagnie, c’est un peu plus frais qu’à notre arrivée que nous reprenons nos montures. La veille, Panu nous a montré un site internet recensant toutes les places aménagées pour le camping en Finlande. Cela peut être des petites cabanes ou juste des toits avec généralement des toilettes sèches, du bois et un endroit pour faire du feu. Le Graal ! S’ensuit alors deux nuits de camping sauvage dans des endroits formidables. C’est toujours plus facile de rouler en sachant qu’un endroit chouette nous attend et qu’il ne sera pas nécessaire de chercher un coin, potentiellement des heures durant. Alors que nous roulons plein nord, Dan s’arrête pour remettre en question la direction que nous prenons. En effet, notre ascension aux Lofoten rallonge d’un bon bout notre voyage et ne colle pas vraiment avec la future venue de nos amis Séb et Auré fin juin aux environs de Bergen. Elle implique de ne pas trop trainer et de songer à prendre le bateau, hypothéquant certains lieux incontournables que nous avions repérés en Norvège. Après une bonne heure de débat, nous arrivons à la conclusion que les Lofoten, ce sera pour un autre voyage. Maintenant que nous sommes au nord de l’Europe, nous n’avons aucune envie de nous dépêcher. Au contraire, nous préférons suivre ce que nous avions prévu tout en profitant de notre avance pour saisir les opportunités qui se présentent à nous. C’est le coeur gros que nous mettons le cap à l’ouest, mettant un terme à notre ascension nordique. Une drôle de sensation nous habite alors au moment de prendre pour la première fois depuis notre départ, la direction du retour.

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