Beauraing, Belgique

Les rois de la route

Cette fois ça y est. On entame sérieusement notre descente vers le Sud-Ouest. Pour la première fois, on commence à être capable d’estimer le nombre de kilomètres restants. Même si nous ne pouvons pas encore savoir précisément combien de jours il nous reste à pédaler, nous savons qu’il n’y en a plus tant que ça. Pour ne rien arranger, on se dirige vers des pays relativement plats. Avec nos cuisses en béton, on a un peu peur de n’en faire qu’une bouchée et de se retrouver « à » Verdon-sur-mer, comme dirait notre ami Michaël, bien plus vite que prévu. Mais une chose après l’autre. Finissons déjà notre aventure danoise.

Au Danemark, du fait de la grande densité de population, le camping sauvage n’est pas toléré. Cependant, il existe un certain nombre d’endroits aménagés où le camping y est autorisé. Ces endroits sont répertoriés sur un site internet et peuvent autant être proposés par des particuliers ou se trouver en pleine nature. C’est ainsi que nous nous retrouvons dans le jardin de Jon. Ce dernier n’est pas chez lui ce soir-là, mais il nous autorise à utiliser son shelter, une sorte d’abri entre un toit et une cabane, et son eau pour la nuit. Nous, on trouve cette plateforme d’entraide et d’échange vraiment super ainsi que, dans notre situation, la confiance qui en découle. Cette manière d’autoriser le camping uniquement à des endroits prédéfinis est vraiment intelligente et pourrait tout à fait être adaptée à tous les pays où le camping sauvage est interdit. Concernant la route, rares sont les moments où nous ne roulons pas sur un chemin cyclable. Nous prenons l’option de passer au sud du pays et de traverser une partie des îles danoises. Le jour suivant, nous profitons à nouveau de cette plateforme pour nous trouver un joli coin dans la forêt pour la soirée. Nous assistons au sacre français face à la Croatie. S’il en fallait une, c’est à nos yeux une raison de plus pour ne pas se presser de rentrer en France afin d’éviter les concerts de klaxons et l’euphorie générale qui atteint le pays. Une dernière journée à sillonner les pistes cyclables au milieu des champs et des éoliennes et nous filons en ferry en Allemagne. Nous gardons un doux souvenir de ce pays chaleureux où les cyclistes sont les bienvenus et se saluent généreusement avec de grands sourires.

Nous passons notre première nuit en Allemagne dans la magnifique propriété de Helge et Claudia située à quelques kilomètres seulement de la mer baltique. Ils louent différents appartements et logements parfois atypiques. C’est dans ce lieu très prisé des familles pour son calme et son ambiance chaleureuse que nous passons deux journées à nous reposer. On a vraiment l’impression d’être en vacances au moment de participer avec plaisir au barbecue hebdomadaire en compagnie de tous les locataires. En échange de l’hospitalité qui nous est offerte, on donne un petit coup de main en taillant les rosiers de la propriété. Après un délicieux plat de lasagne cuisiné par Dan et partagé avec nos hôtes, c’est tout requinqués que nous reprenons la route en direction de Hambourg puis de Brême. Pas d’arrêt pour nous dans ces deux villes. La campagne allemande est agréable et regorge de beaux campings où l’on se plaît à se reposer le soir. La route, quant à elle, est assez laborieuse. Certes composée de nombreux chemins cyclables, l’état de ceux-ci laisse sérieusement à désirer et l’on se fait chahuter comme on ne l’avait pas été depuis longtemps. On est bien tenté de rouler sur la route où l’asphalte bien lisse nous fait de l’oeil, mais la densité du trafic et la vitesse des conducteurs nous calme rapidement.

C’est avec beaucoup d’impatience que nous rejoignons les Pays-Bas. Dès cet instant, nous sommes les rois sur la route. Les infrastructures à disposition des cyclistes sont tout simplement hallucinantes et les véhicules motorisés n’ont qu’à bien se tenir. Les routes sont de toutes manière interdites aux vélos, car il existe toujours une alternative pour les cyclistes. Une grande majorité de la population, toutes générations confondues, se déplace à vélo et l’arrivée récente des vélos électriques a probablement fini par convaincre les plus réticents. Le seul point un peu surprenant à nos yeux est que les scootéristes doivent également utiliser les pistes cyclables et ne sont pas obligés de porter un casque. Les Pays-Bas, maîtres incontestés en termes de construction de digues et de polders, possèdent presque un tiers de son territoire en dessous du niveau de la mer. L’eau est ainsi omniprésente dans les villes et les villages offrant des panoramas et paysages auxquels nous sommes peu habitués. Les Néerlandais adorent également le camping et un grand nombre de privés proposent un espace restreint pour camper sous forme de « mini-camping ». Plus tranquilles et moins fréquentés que les campings standards, c’est pour nous la bonne solution. De plus, de par les journées de grosse chaleur que nous vivons, rien de tel qu’un espace bien ombragé et qu’une bonne douche fraîche en fin d’étape.

Le soir de notre 3ème jour au Pays-Bas, nous sommes attendus chez Cindy, une des meilleures amies de Sandra, la maman de Van. Elle habite à Almere, ville en agglomération d’Amsterdam. Certaines portes cachent parfois des trésors. Celle de la maison de Cindy en fait partie. Au moment de pousser cette porte, on est loin de se douter que l’on va découvrir une famille exceptionnelle. On est accueilli à bras ouverts par cinq des enfants de Cindy et son mari Feroz. Après avoir pris une petite douche et posé nos affaires dans une des chambres de la maison, on rejoint toute la smala autour de quelques verres de sangria pour fêter les 20 ans de Luna. Cindy, toute soucieuse de nous recevoir dans sa maison qui selon elle « est en bordel », est alors soulagée en découvrant notre mode de vie depuis 10 mois. C’est vrai que nous, si on a un toit, c’est déjà le grand luxe. Cindy travaille avec des jeunes en difficulté et c’est dans l’un de ses deux centres que nous la rejoignons le lendemain pour un café. Elle ne s’arrête jamais. Entre sa vie de maman, la gestion de ses deux centres et son travail de maquilleuse, on ne sait pas où elle trouve encore le temps et l’énergie pour nous. De retour le soir pour le souper, on découvre de nouveaux visages dans la maison. Une jeune fille hébergée par la famille, ainsi que quelques amis venus manger un morceau ou discuter et vous avez le tableau de la soirée. A vrai dire on ne sait toujours pas vraiment combien d’occupants abrite cette maison mais ça a l’air de plutôt bien fonctionner. Pour nous, c’est une vraie leçon de vie quant à la gestion de l’espace à disposition dans une maison. Ici, pas de porte fermée, personne ne s’enferme dans sa chambre. On préfère occuper tous ensemble la pièce de vie commune. Le lendemain, on visite Amsterdam en suivant les recommandations des enfants de Cindy. On est vraiment bluffé par tous ces gens à vélo, c’est vraiment magique. Ça l’est encore plus quand on parcourt les canaux et parcs qui composent la ville. Pour le reste, c’est toujours un peu trop d’agitation pour nous et c’est dans la petite brasserie d’un quartier tranquille que l’on terminera la journée.

Nous reprenons la route en direction des fameux Moulin de Kinderdijk. Puis, nous traversons la ville de Rotterdam où nous prenons le temps d’apprécier le contraste d’architecture avec Amsterdam. Le jour suivant, nous parcourons avec un bon vent de face la belle région du Zeeland, fortement recommandée par Cindy. C’est pour nous l’occasion de découvrir le Plan Delta, le plus grand barrage anti-tempête du monde, servant à éviter les catastrophes naturelles dévastatrices et meurtrières en cas de montée du niveau de la mer, comme ce fut le cas en 1953. Nous dormons ensuite chez Bibi, une des amies de Cindy, qui nous accueille chaleureusement dans sa grande maison. Elle nous fait même profiter d’une petite visite de la région en sa compagnie. Au petit matin, nous passons la frontière de notre ultime pays : la Belgique. Gros pincement au coeur en filant en direction de la ville médiévale de Bruges où nous passons notre pause de midi. Nous longeons ensuite un canal pour nous rendre dans la ville de Gand où Toby nous héberge pour deux nuits. Ce passionné de vélo habite dans un appartement au 14ème étage offrant une vue imprenable sur la ville. Adepte des voyages à vélo de quelques semaines, il aime voyager léger et parcourt des distances journalières de plus de 150 kilomètres. Il s’est notamment rendu à Istanbul en une vingtaine de jours, impressionnant ! Nous changeons quelque peu nos plans et décidons de prolonger notre aventure Belge quelques jours. Nous mettons le cap sur Louvain, où nous suivons une ancienne voie ferrée réhabilitée en piste cyclable. Koen nous accueille alors sur son terrain l’espace d’une nuit. C’est une personne attachante qui vit dans une yourte. Nous partageons bon nombre de valeurs communes et passons une super soirée à parler en français, une première depuis plus de 8 mois. Une fois n’est pas coutume, la famille qui nous accueille le jour suivant vit également dans une yourte à quelques kilomètres seulement de la frontière française dans la belle région des Ardennes belges. On découvre une magnifique famille composée de trois petites filles rayonnantes. Ils vivent sur leur terrain en toute simplicité où l’eau provenant d’un puits est une denrée rare ces derniers temps de par le manque de pluie. Nous passons la nuit dans un tipi, installé sur le terrain. Au matin, c’est entourés par les poules de la propriété que nous nous réveillons. Ce matin, nous allons à nouveau entrer en France, terminus de notre voyage. L’émotion est palpable au moment de traverser la frontière. La fin du voyage n’a jamais été si proche.

One thought on “Les rois de la route

  1. Merci pour ce récit, á nouveau un beau moment de partage de votre magnifique aventure. Plus que quelques tours de pédales…. courage ??

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